Canevas

L’éclairage est à peine suffisant pour délimiter les contours de son corps. Seul un filet de lumière réussi à s’infiltrer au travers des rideaux grossièrement tirés, parsemant sa peau blanche de gouttelettes d’éternité. Dans l’embrasure de la porte, un regard.
Un regard questionnant, ne sachant que trop faire de ce qui s’offre à lui. Ou plutôt ce qui s’est offert à lui. L’imprévu du moment, l’instant présent qui vient de s’évaporer après une intense nuit à discuter tout en explorant tout ce qui n’était pas air.

Trop parlé, trop bu, trop baisé. L’idée n’était pas là. La découverte trop rapide, trop passionnée. En restera-t-il seulement un souvenir? Tout est un début, pas nécessairement pour aboutir vers une fin. Il faut pourtant réussir à sortir de cette torpeur qui fait que la saveur reste, indélébile, sur la langue, les yeux, les mains, dans les effluves qui envahissent la chambre, épicées et parfumées. En boucle, tourne un ancien chanteur français qui a suscité une première conversation, a savoir si c’était bel et bien lui qui avait composé cette chanson. Petite diversion qui n’avait duré que le temps du refrain. L’idée première était revenue. Intense. Illusion? Il le savait très bien. Il devait partir sans un bruit. Plus fort que lui.

Ne dormait pas. Observait aussi, à la dérobée. N’avait pas le choix. Ne pas briser ce qui s’était passé par une parole inutile. Le silence…mais devoir absolument extérioriser sur sa page. Ses pages. Sans censure. Avec des mots. Seront-ils suffisamment puissants pour décrire absolument tout? Et surtout, le partager. Pas d’exhibitions. Exorciser ce qu’elle garde en elle depuis trop longtemps. Devenir son livre ouvert qu’elle croyait être, sa page blanche à remplir, son début, son canevas.

Savoir qu’elle pourrait devenir immortelle, autrement qu’en pensée. Elle peut le faire elle-même, mais l’a-t-on déjà fait pour elle?

Elle a déjà mis en place la scène : un parc, un fond de ruelle, une rue achalandée en plein centre-ville, une cabine d’ascenseur, un rame de métro, une vieille Renault 5, une scène de karaoke…peu importe, il ne doit voir qu’elle. Malgré la foule, le soleil qui pourrait l’aveugler, l’embrayage qui bloque…une chanson qui s’éternise, qu’il ne voudrait pas qu’elle le fasse…

Mais il y a aussi cette chambre. Témoin de leur première fois, ou ils n’ont fait qu’un. Mentalement et physiquement. Silencieusement…



http://www.youtube.com/watch?v=EzjlluQEgiA

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